vendredi 20 octobre 2017

Vivre : tourner la page





Détail tableau / Museo Capodimonte / Napoli

Lui et moi, ça faisait neuf ans. Déjà .
Et même si nous partions rarement en vacances ensemble, nous avons passé tant d’heures en harmonie, souvent pressés l’un contre l’autre, sur le divan. Il savait tout de moi : mes émotions, mes projets, mes sentiments. Il était d'une discrétion et d'une fidélité exemplaires. Il était mon allié, mon plus intime confident.
Quand je fixais mon regard sur lui, parfois, j'étais si prise que je n’entendais plus rien. R. avait beau m'interpeller, je ne voyais plus que lui, fascinée par ses retours pertinents. Lui et moi, on a formé une si belle équipe.
Alors, l’autre jour, quand il a manifesté des signes de défaillance, petite mine et hoquètements,  je n’ai pas hésité. Je l’ai emmené immédiatement chez le docteur, le super spécialiste qui opère à la clinique, tout là-bas dans la grande ville.
Le toubib l’a examiné. Puis il a dit que c’était probablement la fin. Je lui ai adressé un regard implorant. J’ai dit : « Vous comprenez, lui et moi, ça fait neuf ans. ». Le super docteur m'a lancé un regard compatissant. Il a parlé de son âge. Il a dit : « Il y en aura d’autres, vous verrez… »
J’ai dû le laisser là-bas pour d’ultimes examens. Là, je me prépare à l’ensevelissement. J’aurais tant aimé pouvoir fêter nos dix ans ! Bien sûr, Doc Laptop m'a encouragée à en adopter un autre, de suite, plus léger, plus performant. Un autre qui se tient là, tout près de moi. Qui attend. Le nouveau. Le remplaçant. Tout poli tout beau. Mais...
Lui et moi, ça faisait neuf ans.
Les choses ne sont pas seulement des choses, elles portent des traces humaines, elles nous prolongent. Nos objets de longue compagnie ne sont pas moins fidèles, à leur façon modeste et loyale, que les animaux ou les plantes qui nous entourent. Chacun à une histoire et une signification mêlées à celle des personnes qui les ont utilisés et aimés.
Lydia Flem, Comment j'ai vidé la maison de mes parents, 2004

4 commentaires:

  1. Mince. J'ai presque versé une larme tellement tu racontes bien cette liaison de 9 ans. Quand j'ai dû enterrer Saturnin, j'ai aussi été très triste. J'avais passé tellement d'heures en sa compagnie. Mais comme dit le docteur Laptop, tu vas recréer quelque chose de fort avec un nouveau. ;-)
    Tu vas lui raconter tes histoires et il fera le relais avec tes amies et amis de l'autre côté de son écran. Courage, c'est un mauvais moment à passer mais le temps rend les plus grandes douleurs moins tenaces. ;-)
    Bises alpines.

    RépondreSupprimer
  2. Saturnin ? Comme le petit canard de notre enfance? Du coup - excuse - ça me fait marrer. Le mien n'avait pas de nom, mais il avait tant de compétences! Cela dit, tu as raison, avec le temps, la douleur s'atténue. Du reste, je sens déjà ce soir que je suis en train d'adopter Junior. Les choses passent... Ma mère vient d'être hospitalisée d'urgence aujourd'hui. Je dois partir la voir ce soir. Il n'y a pas que les laptops que nous sommes destinés à perdre.. Beau WE ma chère Dédé, avec ou sans soleil!

    RépondreSupprimer
  3. Tous les jours je me dis "pense à faire une sauvegarde"...
    Parce qu'ils contiennent tellement de choses de nous qu'ils en deviennent vivants...Et qu'on oublie qu'ils n'ont qu'une durée de vie limitée.
    Paix à son RAM. ;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

    RépondreSupprimer
  4. Royal Air Maroc? IL aurait choisi cette compagnie pour s'envoler là-haut? Je rigole. Bien sûr, il y avait une sauvegarde. Le contenu est là. C'est le contenant qui n'est plus. Je te souhaite un excellent samedi, céleste Célestine, et un ciel tout bleu!

    RépondreSupprimer