jeudi 26 octobre 2017

Ecouter : l'attention de Marie


Matthieu Lucci, Marina Fois dans une scène du film.

Laurent Cantet vient de sortir son film L’Atelier, dans lequel on voit un groupe de sept jeunes en insertion se réunir autour d'une table, pour écrire en commun un polar sous la conduite d’une écrivaine reconnue. Laure Adler a eu la bonne idée de permettre un dialogue entre le cinéaste et Marie Desplechin, à qui il arrive d’animer dans la vraie vie ce genre d’expérience.


L A : Chacun de nous est-il une page vierge où des tas d’hypothèses, de possibilités, d’élans créatifs peuvent tout d’un coup advenir à condition que l’on pose la question ? Et que ce soit promis et permis ?
M D : C’est une vraie question. Quand on anime ce genre de travail, peut-être vous connaissez ça avec les acteurs, je sais pas, tout le monde ne va pas être bon.
Ce qu’il est très frappant dans un classe c’est que les bons, ceux qui vont obéir à la consigne, en général vont être super enquiquinants, c’est-à-dire qu’ils vont imiter un modèle. Et ce qui est très beau dans un groupe, c’est la personne qui est mal par rapport au groupe, qui est désocialisée, malheureuse, et elle, c’est quasiment systématique, cette personne-là a un truc à dire, donc elle va pas faire comme vous voulez, souvent le gosse refuse d’écrire pendant quatre séances en faisant la tête au fond de la classe.
 Et il écrit une fois un texte qu’il refusera de corriger, mais ce texte-là quand vous le lisez vous avez envie de pleurer parce qu’il raconte comment son père encore une fois n’est pas venu le chercher à l’école la dernière fois. 
Et il a su le faire parce que c’est une émotion que l’on ne peut pas contraindre. Et en fait, dans un atelier, c'est moins qu’un apprentissage de techniques. A un moment, vous voyez surgir des voix, en tout cas pour l’écriture, et ça, c’est sciant. 



Le regard de Marie, sa sensibilité à la différence, au comportement, à l'énergie de l'enfant créateur. Son attention pour lui permettre d'évacuer ses émotions dans les mots et le texte. Il faut décidément que j'aille en salle, vérifier si le film fait passer un peu de cette compétence-là.




L'heure bleue, France Inter, 9 octobre 2017

3 commentaires:

  1. Finalement, il n'est pas bon d'être bon? ;-)
    Malheureusement, ceux qui sont "mal"... on essaie de plus en plus de les faire ressembler aux bons...
    Belle journée et bises.

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  2. Tu as raison, les créatifs, ceux qui ont quelque chose de différent à dire, on essaie de plus en plus de les cadrer. Mais il existe heureusement des regards comme ceux de Marie D. qui distinguent les bons... élèves, applicatifs, des vrais écrivains en herbe. Je le dis toujours : l'importance d'un regard! Allez, belle journée, splendide! D.

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  3. Tout dépend de ce que l'on appelle "un bon élève"...
    Et j'en sais quelque chose, moi qui ai toujours eu une tendresse pour les canards boiteux et les moutons à cinq pattes...
    http://celestinetroussecotte.blogspot.fr/2013/09/damien.html
    ¸¸.•*¨*• ☆

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