lundi 10 avril 2017

Vivre : tout un art


Arezzo / 2015

Il flotte sur la terrasse, un peu en retrait du centre ville, un air de liberté qui frôle le négligé. C’est un lieu dit « alternatif », où s’organisent à tour de rôle concerts et vide-greniers, où des vendeurs ambulants se succèdent pour proposer leur nourriture exotique. Quelle que soit la fréquentation, il y règne toujours un calme désordonné (ou un désordre apaisé) dans des effluves de nasi-goreng et de cigarettes roulées. Entre les tables, des moineaux affamés esquivent des bambins nu-pieds, des vieilles connaissances s’embrassent avec cordialité, des touristes perplexes se demandent si et comment consommer.

Cet espace invite à l’observation, à la réflexion, à la rêverie solitaire. Mais aussi aux discussions, aux rencontres de travail, aux murmures amoureux. Certains s’y adonnent à la prise de notes, à la rédaction, d'autres lèvent le nez, à la recherche d’inspiration. Il y en a pour tous les goûts sur la terrasse en libre-service, au fond de la cour de ce qui fut autrefois une école secondaire. Dire que tant de générations ont subi ici appels à la discipline et sanctions…

Aujourd’hui, deux jeunes s’exercent dans un coin à quelques airs de guitare, mais leur son est si léger qu’il s’évapore en effleurant nos verres. Deux filles tentent avec plus ou moins de bonheur de fixer des torches dans les bacs où fleurissent des lilas et verdissent quelques rosiers. Un mec avec un grand panier à provision s'en va à la cueillette des tasses abandonnées.

Aujourd’hui, je pourrais passer la journée sur mon banc, à me laisser aller, regarder le soleil progresser derrière les branches encore nues du marronnier, tirer de ma besace un calepin et des crayons, sans savoir, sans savoir si vraiment j’aurais quelque chose à y noter, suivre le vol d’un insecte, reluquer cette fille qui porte exactement le blouson que je m’évertue depuis si longtemps à dénicher…

Aujourd’hui, rien faire me paraît un art suprême, un exercice de la plus haute virtuosité, sur la terrasse qui attend l'été…


1 commentaire:

  1. J'aime en premier lieu ta photo: une statue un peu oubliée à côté d'une chaise recouverte d'un drapé rouge. Comme quelque chose d'intemporel.

    Quant au texte, je vois par tes yeux tous les personnages que tu décris si bien et j'aspire aussi à me poser et à observer, tranquillement, la vie qui s'écoule. Quant au blouson... mince. Il fallait demander à la fille qu'elle te le donne en échange de ta paire de chaussures par exemple. ;-) Bises alpines.

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