Castello di Fontanellato / petit théâtre de marionnettes / 2016
Mado,
ma chère et loyale Mado, son regard mi-pensif mi-envieux posé sur moi : « Il
me reste encore 10 ans à tirer... ».
Mado
est plus jeune que moi. A son âge, je croyais encore à mon métier. Je voulais
non pas m’y réaliser (cette illusion professionnelle m’a assez vite abandonnée), mais y
concrétiser mes savoirs et compétences. J’ai eu longtemps cet espoir. Et puis,
au fil du temps, j'ai vu les portes se refermer, la bureaucratie s'emballer. C’est vrai : j’ai eu la chance de
pouvoir partir en retraite anticipée assez vite, dès que les règles, les marches à suivre, les
strates de hiérarchie se sont accumulées et ont transformé ce beau métier de
terrain en un parcours balisé, parsemé de procédures dûment contrôlées et visées.
« No hay mas
creatividad » m’a dit Monse sur les ramblas l’été dernier, en me félicitant de ma décision. Autre pays, autre culture, mais
toujours la même réalité.
Le
regard triste de Mado vient me dire la difficulté que c’est, de prendre chaque
jour le chemin du travail, quand au travail, on a de l’expérience et du coffre, quand
on a bien assez de lignes sur son CV, quand on a connu autre chose et qu’on
peut comparer, mais qu’on ne dispose plus des moyens pour changer. A passé
cinquante ans, on reçoit ses envois en retour, on comprend entre les lignes ce que
personne n’ose écrire tout haut: « trop âgée ! ».
Ainsi,
Mado s’en va tous les jours affronter: la hiérarchie, les chefs, les
sous-chefs, les aspirants chefs, les assistants de chefs, les chefs de projets,
les englués dans les organigrammes, tous ces gens trop heureux de se placer, de
grappiller un peu de pouvoir sur autrui en distribuant récompenses et bons
points à qui sait bien se courber.
Mado
peste, se lâche, sait qu’elle peut se confier. Ma Mado, courage, allons nous
balader et tu vas tout me raconter.