jeudi 29 décembre 2016

Voyager : It’s a wild world…


A. Mantegna / cappella Ovetari  (détail) / Padova

Un matin au réveil, j’ai regardé par la fenêtre : le temps avait changé. La veille nous avions assisté à un coucher de soleil kitchissime, aussi déluré que les stands joyeux installés à travers toute la ville. A présent, le ciel était plombé, comme si la neige menaçait. Il a levé la tête de sa tablette et m’a annoncé : il y a eu un attentat à Berlin, sur le marché de Noël.

Les nuages au-dehors se sont faits encore plus lourds.

Plus tard, en visitant l’église degli Eremitani, je suis restée longuement devant les photos prises juste après le bombardement de mars 1944. Elles montraient l’effondrement du transept droit, là où Mantegna avait magnifiquement décoré à fresques la chapelle Ovetari. Juste un tas de gravats en noir et blanc.

En face, maintenant, le transept a été reconstruit et les peintures partiellement restituées. J’ai médité sur le temps qu’il faut, et la patience, pour rechercher parmi les milliers de fragments et tenter de donner un sens au puzzle. Et puis tous les manques, toutes les failles, tout ce qu’on ne retrouvera jamais, ce qui s’est perdu à jamais dans la poussière. L’effet du never more a poinçonné profondément mon muscle le plus vaillant et c'est dans leur regard, dans leurs mines pensives à l'unisson que j'ai trouvé à me consoler, beaux chevaliers figés pour l'éternité 5.

Et puis… la vie va et chasse les nuages. Les heures se sont éclaircies, sont devenues étrangement siciliennes au cœur de la Vénétie. J’ai pris cette photo-là 6 via di Marsala.


J’ai déniché dans une minuscule échoppe du chocolat de Modica. Et finalement, un bouquiniste très sympa m’a vendu à un prix dérisoire une superbe monographie d’Antonello da Messina.


Oui, la vie va et chasse – momentanément – la grisaille et la sauvagerie d'un monde par trop délirant.

2 commentaires:

  1. J'étais à Paris en novembre de l'année passée. Pendant plusieurs mois, l'horizon a été très sombre. Et puis, petit à petit, les nuages ont laissé la place à quelques rayons de soleil. La vie va et chasse et c'est heureux. Toutes les beautés qui nous entourent (art, musique, personnes) nous permettent alors de remonter la pente et de se ressourcer et c'est heureux. Merci pour ce partage.

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  2. la vie plus forte que la mort. Toujours...
    Jusqu'à ce que la folie peut-être un jour, chasse définitivement la vie...
    Mais elle s'accroche ! et c'est heureux.
    Merci Dad pour ta belle écriture qui me ressource.
    C'est comme un flambeau qui passe de main en main.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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