samedi 8 octobre 2016

Voir : quand la mer est en feu


(rien à voir : photo prise depuis chez moi)

Fuocoammare est le titre d'une chanson sicilienne des années quarante (qu'on n'entend du reste pas dans le film documentaire de Gianfranco Rosi). Il signifie : feu sur la mer. Durant près de deux heures, le cinéaste nous emmène à Lampedusa pour nous montrer le quotidien de ses habitants.

Nous suivons les pas d'un jeune ragazzo d'une douzaine d'années, Samuele, son père, sa grand-mère. Nous voyons comment se déroule la vie de ces insulaires au jour le jour : la pêche, l'arrêt forcé les jours de tempête, les repas en famille, la réfection du lit au matin, les chansons demandées à la radio locale, grâce auxquelles ces gens taiseux se disent leurs sentiments. Samuele se fabrique une fronde pour attraper les oiseaux, il a le mal de mer et doit soigner un œil paresseux. Vif et curieux, il souffre de tourments cachés aussi, parle de son anxiété avec le médecin de l'île.

Ce médecin, qui évoque en quelques phrases de son travail lourd et terrible, fait le trait d'union avec le monde des migrants, autre versant du documentaire. C'est lui qui est présent lorsqu'on accueille les échoués, lui qui effectue les premiers examens et qui oriente vers l'hôpital. Lui à qui revient la lourde tâche de faire office de médecin légiste. Cependant, on le voit aussi heureux de procéder à l'échographie d'une jeune femme dont la grossesse a miraculeusement survécu à la traversée.

D'un côté, donc, les habitants de l'île, menant une existence simple, laborieuse. De l'autre, les équipes de sauvetage suivies dans leur travail, étape par étape. Les images sont belles, sobres. Il n'y a aucun commentaire, pas de voix off. Au moment du générique, on se demande si et quand ces deux mondes se rejoignent.

Je suis sortie de la salle émue et éblouie, triste et interrogative, car la question est vraiment celle-ci, pour nous tous : quand est-ce que notre monde et le monde des migrants se rejoignent-ils ?

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